ESQUISSES DU BOCAGE NORMAND.
JULES LECOEUR. 1975.PREMIERE EDITION 1893.
EDITIONS G. MONTFORT.
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A la fin du XII e siècle, la terre de Briouze dépendait alors de
la Sergenterie du Houlme; d'autre part dans le corps de ce compte, on
lit aussi : Sergenteria nemoris Bellou, la sergenterie du bois de
Bellou, c'était une sergenterie d'un autre genre.
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Nous devons ici, faire remarquer, qu'à cette époque et depuis
peut -être au moins un quart de siècle, sinon plus,la châtellenie
de Bellou figurait dans les même états de compte que la Baronnie de
Briouze à laquelle elle avait été, d'ores et déjà, et devait
rester annexée pendant près de deux siècles.
En cette enquête de 1306, les terres de la châtellenie de
Bellou sont estimées à part; mais il n'y est pas question de ses
marais; on peut donc penser que dans ces 45 acres les viviers et
pêcheries de Bellou étaient compris.
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Il parait que dans les vastes marais de Briouze, des arbres
entiers, des poutres équarries, mais dépourvues de tenons et de
mortaises, des poteries et des ustensiles de ménage, ont été
souvent trouvés en exploitant la tourbe qui les forme. La tradition
prétend que ces objets appartenaient à la ville disparue, et elle
ajoute que tous les ans, dans la nuit de Noël, on peut en se
penchant sur les marais et en prêtant une oreille attentive,
entendre monter de ses profondeurs les sons affaiblis des cloches de
son église, chantant la naissance du Messie.
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A Bellou en Houlme, c'étaient les conscrits de l'année qui
offraient la soule*, que l'un d'eux lançait le Mardi-gras, par une
fenêtre donnant sur la place, vis à vis de l'église. Certaines
années, il n'y avaitpas moins de cinq à six mille spectateurs venus
de toutes les communes d'alentour; sept à huit cents habitants de
toute âge s'engageaient dans la lutte. La paroisse de Bellou se
divisait en deux partis, et chaque parti était soutenu non seulement
par les siens, mais encore par les étrangers dont un grand nombre
était heureux de prendre part au combat.
La soule de Bellou avait trois pieds de tour et pesait cinq à six
kilos; elle était formée de son et de paille, et recouverte d'un
cuir épais.Mais il arrivait fréquemment que le parti vaincu
défonçait la soule à coups de couteau. Pour empêcher ce fait de
se reproduire, elle fut, à partir de 1841, entourée d'une plaque de
fer blanc, et le jour de la fête on y attachait une branche de
laurier ornée de rubans.
Les combattants ne devaient garder que leur pantalon et leur
chemise; la plupart se serraient la taille avec une ceinture de
cuir. L'acharnement à la lutte était tel que, si les fils eussent
refusé de bouller à côté de leur père, celui-ci leur eût, le
soir, refusé à souper, les aurait déclarés indignes d'entrer dans
sa maison.
Quelques, ceux qui s'étaient emparés de la soule lui faisaient
traverser un étang voisin pour la soustraire aux efforts de leurs
adversaires. Elle était poussée jusqu'à l'autre bord par les plus
résolus, qui avaient de l'eau jusqu'au coup. Ils triomphaient, mais
à quel prix ! En 1851, quatre brigades de gendarmerie, venues le
matin du Mardi-gras à Bellou, empêchèrent d'y jeter la soule.Il
en fut ainsi durant deux ou trois années, puis le jeu cessa tout à
fait.
* La soule était une grosse balle de
cuir, remplie de son, (d'un pied de diamètre environ), qu'on lançait
sur la place du village et que les gens des paroisses d'alentour se
disputaient avec un acharnement courageux digne d'une meilleur cause.
Elle appartenait à ceux qui parvenaient à s'en rendre maîtres, à
lui faire franchir un cours d'eau et à l'entrer dans quelque maison
de leur paroisse. On prétendait , autrefois, que le village
victorieux devait être favorisé d'une plus abondante récolte de
pommes; de là, par la suite, plus d'efforts pour s'emparer de la
soule.