samedi 18 mai 2013

LA SOULE DE BELLOU

ESQUISSES DU BOCAGE NORMAND. JULES LECOEUR. 1975.PREMIERE EDITION 1893.
EDITIONS G. MONTFORT.


P 71
A la fin du XII e siècle, la terre de Briouze dépendait alors de la Sergenterie du Houlme; d'autre part dans le corps de ce compte, on lit aussi : Sergenteria nemoris Bellou, la sergenterie du bois de Bellou, c'était une sergenterie d'un autre genre.
P 47
Nous devons ici, faire remarquer, qu'à cette époque et depuis peut -être au moins un quart de siècle, sinon plus,la châtellenie de Bellou figurait dans les même états de compte que la Baronnie de Briouze à laquelle elle avait été, d'ores et déjà, et devait rester annexée pendant près de deux siècles.
En cette enquête de 1306, les terres de la châtellenie de Bellou sont estimées à part; mais il n'y est pas question de ses marais; on peut donc penser que dans ces 45 acres les viviers et pêcheries de Bellou étaient compris.
P358
Il parait que dans les vastes marais de Briouze, des arbres entiers, des poutres équarries, mais dépourvues de tenons et de mortaises, des poteries et des ustensiles de ménage, ont été souvent trouvés en exploitant la tourbe qui les forme. La tradition prétend que ces objets appartenaient à la ville disparue, et elle ajoute que tous les ans, dans la nuit de Noël, on peut en se penchant sur les marais et en prêtant une oreille attentive, entendre monter de ses profondeurs les sons affaiblis des cloches de son église, chantant la naissance du Messie.
P 461
A Bellou en Houlme, c'étaient les conscrits de l'année qui offraient la soule*, que l'un d'eux lançait le Mardi-gras, par une fenêtre donnant sur la place, vis à vis de l'église. Certaines années, il n'y avaitpas moins de cinq à six mille spectateurs venus de toutes les communes d'alentour; sept à huit cents habitants de toute âge s'engageaient dans la lutte. La paroisse de Bellou se divisait en deux partis, et chaque parti était soutenu non seulement par les siens, mais encore par les étrangers dont un grand nombre était heureux de prendre part au combat.
La soule de Bellou avait trois pieds de tour et pesait cinq à six kilos; elle était formée de son et de paille, et recouverte d'un cuir épais.Mais il arrivait fréquemment que le parti vaincu défonçait la soule à coups de couteau. Pour empêcher ce fait de se reproduire, elle fut, à partir de 1841, entourée d'une plaque de fer blanc, et le jour de la fête on y attachait une branche de laurier ornée de rubans.
Les combattants ne devaient garder que leur pantalon et leur chemise; la plupart se serraient la taille avec une ceinture de cuir. L'acharnement à la lutte était tel que, si les fils eussent refusé de bouller à côté de leur père, celui-ci leur eût, le soir, refusé à souper, les aurait déclarés indignes d'entrer dans sa maison.
Quelques, ceux qui s'étaient emparés de la soule lui faisaient traverser un étang voisin pour la soustraire aux efforts de leurs adversaires. Elle était poussée jusqu'à l'autre bord par les plus résolus, qui avaient de l'eau jusqu'au coup. Ils triomphaient, mais à quel prix ! En 1851, quatre brigades de gendarmerie, venues le matin du Mardi-gras à Bellou, empêchèrent d'y jeter la soule.Il en fut ainsi durant deux ou trois années, puis le jeu cessa tout à fait.

* La soule était une grosse balle de cuir, remplie de son, (d'un pied de diamètre environ), qu'on lançait sur la place du village et que les gens des paroisses d'alentour se disputaient avec un acharnement courageux digne d'une meilleur cause. Elle appartenait à ceux qui parvenaient à s'en rendre maîtres, à lui faire franchir un cours d'eau et à l'entrer dans quelque maison de leur paroisse. On prétendait , autrefois, que le village victorieux devait être favorisé d'une plus abondante récolte de pommes; de là, par la suite, plus d'efforts pour s'emparer de la soule.